C’est toujours la même chose au premier tour, chacun prétend avoir gagné même quand il a perdu. Pourtant, il faut bien regarder les chiffres, Hollande arrive nettement en tête et Sarkozy en deuxième position. Le premier a réussi l’exploit de rester le favori durant des mois et à ne pas trop perdre son avance, malgré une droite offensive. Le second a cru qu’il allait redresser les courbes, les faire se croiser et passer devant, il a raté ce pari. C’est un désaveu, n’en déplaise à Copé, Juppé et consort. Leur président n’a pas su inverser les tendances et c’est un échec. Cela dit, il faut regarder la suite, et ne pas fanfaronner.
Marine Le Pen arrive en troisième larron, avec plus ou moins 20% et ce score est très haut, très inquiétant, très dérangeant. C’est pour elle une victoire et la preuve que son discours d’exclusion ne fait pas peur à des millions de Français pour qui, elle et son parti, sont une échappatoire. Revenir au bon vieux franc, sortir de la zone euro, regarder l’avenir dans le rétroviseur, c’est ça son programme, et il plait à des millions de nos concitoyens. Ne feignons pas de l’ignorer. C’est grave mais ce n’est pas en le niant qu’on le combattra.
Et puis, il y a la déception du Front de Gauche, arrivé quatrième, loin derrière l’autre Front, national, un écart substantiel, un résultat pour le coup très en deçà des espérances attendus par les meetings et la ferveur qui s’en dégageait, comme quoi dans le match Jaurès-Jeanne d’Arc, c’est la seconde qui l’emporte.
Enfin, pour rester concentré sur le quinté, Bayrou n’atteint pas les 10% et s’effondre en rase campagne. C’est triste, c’est la fin de son rêve, c’est le moment pour lui de se déterminer.
Je laisse les autres candidats à leurs maigres pourcentages, des miettes d’une campagne qui s’est révélée médiocre et d’un faible niveau. Que Cheminade arrive à faire 0,2% c’est déjà beaucoup pour un homme qui parle aux Martiens et que l’héritière d’Arlette ne fasse gère mieux c’est la preuve qu’avoir un bulletin dans les mains est une arme qui s’apparente à un pistolet à eau.
Moralité, l’addition des droites, si tant est qu’on puisse compter sur cette arithmétique dénote une
majorité dans ce camp, mais l’élan victorieux semble donner des ailes à la gauche et permettre à Hollande de l’emporter au deuxième tour. A cela, plusieurs raisons que la simple comptabilité ne peut résoudre. D’abord, Sarkozy accuse le coup de n’être pas arrivé le premier, ce qu’il espérait, et d’être un président déjà sorti. L’UMP, parti fourre-tout, n’a su capitaliser sur l’action de son candidat ni gagner sur son extrême, malgré les appels du pied du ministre de l’Intérieur et de tous ceux qui ont instrumentalisé l’intégrisme depuis des mois. Ensuite, Hollande a enclenché un espoir qu’il a su maintenir, contre vents et marées, même si la ferveur était dans le camp Mélenchon, lequel à l’inverse n’a su transformer son essai. Peut-il faire autrement que se rallier au PS et mettre en pratique ce qu’il dit : bouter Sarkozy hors de l’Elysée ? Quant aux Verts, au terme d’une campagne lamentable, à côté de la plaque tectonique, dans une dérive suicidaire, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes et instruire le procès de leur candidate nommée par leurs instances et s’en retourner à leurs champs de colza, et voter Hollande s’ils veulent sauver les meubles et leur canapé Ikéa.
L’addition de tout cela fait-elle une majorité pour Hollande ? Non. Sauf, à ce que les électeurs de Bayrou, pour partie, aillent vers lui, en conformité avec les dénonciations de leur leader qui vilipendait « l’enfant barbare » en parlant de Sarkozy. Sauf, à ce qu’une partie des électeurs de Marine Le Pen aillent à la pêche ou votent blanc, puisque cette dernière voue Sarkozy aux gémonies. Sauf, et cela n’est pas un scoop, à ce qu’une partie de cette partie des électeurs de Marine Le Pen ne soit pas des extrémistes mais plutôt des Français déçus, des Français qui en ont ras l’bol et qui votent contre et pas vraiment pour.
François Hollande a encore deux semaines pour convaincre les indécis, les fluctuants, les hésitants et conforter les autres, ceux qui ne veulent plus de Sarkozy, qui pensent qu’une France ouverte est meilleure qu’une France qui sent le renfermé, qu’une France généreuse n’a pas de raison d’avoir peur de regarder hors de ses frontières et surtout que la vérité révélée, assénée par un camp, n’est pas la solution à tous nos maux. Depuis cinq ans, il est un homme qui a cherché a cliver, à diviser, à séparer, dictant où se trouvaient les gentils et les méchants, où étaient les solutions et les impasses, comme si rien ne pouvait bouger, où les puissants pouvaient s’abreuver, où les pauvres pouvaient se noyer. Cet homme là n’a eu de cesse de se prendre au sérieux et de nous prendre le chou, de nous bourrer le mou et traiter de poux tout ceux qui le dérangeaient. Il est temps qu’il plie le genou et qu’il sente que son bail arrive à son terme.
François Hollande est arrivé en tête du premier tour et c’est en soi une victoire. Il appartient de l’amplifier et de la confirmer, de la conforter pour le second, dans deux semaines. Loin des oracles d’une droite aux abois qui annonce la débâcle si son candidat n’est pas élu, prête à se rallier sans vergogne à Marine Le Pen pour tenter de lui capter ses voix, à chercher à faire la danse du ventre autour des électeurs centristes pour faire miroiter tel ou tel poste à François Bayrou, résistons et montrons que Hollande n’est pas le candidat mou qu’on a voulu moquer, qu’il est bien le possible général victorieux d’une élection. Sarkozy au terme des cinq ans a failli. Son camp ne l’admettra qu’une fois la défaite du deuxième tour consommée. Additionnons à la fois ce rejet, cette force, ce désir, cette envie, pour en faire une victoire. Hollande Président c’est désormais possible, ce changement est à portée de mains, c’est même demain le 6 mai.
HJA
P.S. Certains ont vu un camion de déménagement stationner devant l’Elysée ce dimanche. Se pourrait-il que Carla fasse déjà ses valises Vuitton ? Et Sarkozy remplisse ses cartons en vue de préparer ses futures mémoires dont le titre pourrait être « Cass’toi pov’con, les souvenirs d’un locataire de l’Elysée » ? Guaino de son côté partirait pour un séjour au Club Med à Dakar méditer sur « l’homme africain et son entrée dans l’histoire »… C’est à ses rumeurs qu’on mesure l’écho de la défaite annoncée et la reconversion des acteurs d’un quinquennat qui s’achève enfin.
Collages de Lomo rue Desnoyez à Paris
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