Tombés au chant d’honneur
La Une de Libération au surlendemain des attentats titrait « Génération Bataclan » et sans vouloir contester la véracité globale de ce constat, je voulais y regarder de plus près.
Loin de moi l’idée de vouloir faire une comptabilité macabre où les morts se résument à leur âge, voire leur nationalité, puisque la mort les a fauchés tels qu’ils resteront à tout jamais, dans une image qui nous a été montrée par les médias, empreinte d’une émotion d’autant plus vive qu’ils étaient bien en vie, souriants, d’où ce sentiment d’une jeunesse frappée au cœur.
Cibles des tueurs, marketing terroriste
La liste des victimes ayant été fournie par les journaux, souvent photos à l’appui, dans une sorte de deuil collectif et de communion partagée, il m’a semblé intéressant d’observer plus en détail la réalité de cet état civil puisque, à défaut de les connaître, nous nous reconnaissions en eux.
Si on peut donner raison à Libé, dans son acception générale, la notion d’une génération se définissant autour de 25 ans, le spectre des victimes laisse cependant dessiner une fluctuation plus large.
En effet, sur le nombre total des victimes, qui incluent aussi les personnes abattues sans sommation à la terrasse des cafés et restaurants parisiens des Xème et XIème arrondissements, on peut se rendre compte d’une pyramide des âges où la moyenne se situe plutôt autour des 30 à 35 ans.
Les trentenaires paient le plus lourd tribut à ce massacre avec 54 morts, suivis des vingtas qui sont 40 recensés. Les quadras sont 19, les quinquas 5 et il y a 3 sexagénaires. A cela s’ajoute une jeune fille de 17 ans, d’origine arménienne, qui serait la plus jeune victime de la tuerie.
Si mon total n’est pas complet par rapport aux 129 victimes identifiées, c’est que l’âge précis de certaines n’avait pas encore été confirmé à la lecture du tragique bilan.
Rock around the death
Cette arithmétique n’a d’autre intérêt que de dire ceci : le tiers des victimes correspond aux moins de 30 ans, qui forment le cœur générationnel de cette effroyable tuerie. Partis à la fleur de l’âge, pris en défaut de danser, de rire, de s’amuser et d’écouter de la musique rock, sacrilège suprême pour des sbires incultes, frustrés, ivres d’une vengeance aveugle et robotisés par un fanatisme haineux de l’Occident, de ses valeurs, de ses conquêtes, de son mode de vie, de ses libertés.
Une chose est sûre : ceux que l’on a qualifié de génération Mitterrand, nés dans les années 80, porteurs d’espoir d’une nouvelle approche de la politique, accros aux réseaux sociaux, émancipés des tutelles marxo-mao-lénino-trostkistes de leurs aînés, soucieux d’un plus grand partage, et qui trouvaient dans cette grand messe du death metal des Eagles un exutoire amical, un défoulement provisoire et bon enfant, se sont en définitive retrouvés sur les bancs des accusés de sombres assassins au look d’anges exterminateurs. Ces mêmes qui auraient pu être dans la salle, du bon côté, celui du spectacle, s’ils n’avaient franchi le Styx, pour se déclarer les bras armés d’une religion dévoyée, dont ils ne connaissaient qu’une rengaine ; à mort les impies et un son froid, celui de leurs mitraillettes.
Pitoyable logorrhée, staccato mortifère, ces enfants perdus de l’Islam ont sulfaté une jeunesse et noyé dans le sang une assemblée pacifique. Les vignes continueront de donner du vin, fut-il amer mais les vendanges prochaines auront un arrière goût d’amertume.
Génération Bataclan contre génération Daech
La guerre ouverte ne fait que commencer. Taclant le destin, les premiers ont une arme supérieure aux seconds, l’amour de la vie. On ne peut bâtir une société sur la détestation de l’autre, sur la négation de la vie, sur l’instinct de mort. Le suicide prémédité de certains de ces jeunes aspirants au martyre comme on va en boîte de nuit ne peut aboutir à leur victoire. Même affaiblis, même meurtris, nous serons plus forts parce que nous sommes libres de penser et d’agir tandis qu’ils sont prisonniers de leurs interdits, de leurs diktats, de leur conformisme. Leur faille c’est leur obsession : Dieu. Or celui-ci n’aime pas qu’on prenne ses enfants pour des canards sauvages et qu’on les canarde à tout va.
Aujourd’hui, une semaine après ce funeste 13 novembre, nous sommes tous orphelins, toutes générations confondues, d’un peu de nous même qui est mort ce soir-là. Cela nous impose le temps du deuil. Cela nous invite aussi à reprendre goût à la vie, à sortir, à faire la nique à ces prêcheurs de l’apocalypse qui voudraient nous imposer le niqab et voiler à tout jamais notre mémoire.
Henri-Jean Anglade
* La page wikipedia concernant ces attentats du 13 novembre démontre la réactivité des internautes et leur capacité à prendre en charge l’information à chaud, avec des mots justes et des chiffres précis.
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