Youpee ! Henri-Jean est de retour ! Avec un article très triste...
Le héros et les salauds
L’actualité a parfois des raccourcis saisissants qui donnent un éclairage sur l’humanité et le sentiment qu’on entre en communion, ou pas, avec un événement. En l’occurrence, il s’agit là d’un vendredi noir, l’un dans l’Aude à Trèbes, où un lieutenant-colonel a fait don de sa personne dans une prise d’otages, et l’autre à Paris, où une vieille dame a été odieusement assassinée dans son appartement.
Le premier, inspiré à la fois par l’altruisme et sa foi chrétienne, a dépassé la peur et fait preuve d’un courage exemplaire en allant pertinemment au-devant d’une mort quasi certaine, la seconde, de confession juive, au terme d’une vie qui lui avait épargnée la rafle du Vel d’hiv en 1942, a été victime d’un crime sauvage et d’une barbarie à visage hélas humain, qui nous répugne et nous fait honte, celui de l’antisémitisme.
Quel sens à nos vies ?
D’un côté, un homme paré des vertus de l’héroïsme, le cœur vaillant, l’âme bienveillante, de l’autre, une héroïne involontaire d’une histoire qui la dépasse, une femme ayant probablement enduré toute sa vie le souvenir de la Shoah, le cœur usé et la mémoire chancelante, et face à eux, deux bourreaux. Deux bourreaux ordinaires aux motivations douteuses, l’un par déviance religieuse, l’autre, a priori, par déviance sexuelle. Deux bourreaux pour qui l’échec de leur vie résonne en écho du vide de leur cœur. Deux salauds comme on peut en croiser chaque jour et qui font honte à l’humanité. Deux salauds qui s’abritent derrière le masque hideux de l’intégrisme et du racisme.
La France unie rend hommage à son héros dans une communion nationale, et c’est à juste titre que son geste de Juste sera loué mais n’oublions pas cette victime collatérale d’un mal qui ronge nos racines et nous menace de l’intérieur. Le geste noble du gendarme nous donne des raisons d’espérer en l’humanité et place Arnaud Beltrame, « belle âme », dans un Panthéon qui nous rassure sur des valeurs que nous espérons toujours fortement ancrées en nous, de générosité et de bravoure. Le geste ignoble de l’assassin de Mireille Knoll nous glace à l’inverse d’effroi et nous place devant le miroir de nos peurs et de nos angoisses.
En cette veille de Pâques, au-delà de toute velléité de récupération, il serait bon de « passer au-dessus » (signification du verbe pasah de l’hébreu biblique) des querelles, voire des haines que certains entretiennent à dessein et de tenter de délivrer l’humanité de ses tristes passions pour la conduire à la liberté de penser, de vivre, d’aimer et d’agir. Ce que des intégristes ne peuvent envisager au nom d’un dieu, le même qui les conduit soit disant au paradis, certes peuplé de vierges. Allah est (peut-être) grand, la République (surtout) aussi* !
Henri-Jean Anglade
* Référence au livre de Lydia Guirous « Allah est grand, la République aussi », paru en 2014 chez Jean-Claude Lattès (250 pages, 17 €).
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