Coupable d'avoir dansé le Cha-Cha-Cha de Guillermo Cabrera Infante aux Editions Gallimard.
Ce livre est construit comme un morceau de musique répétitive : les mêmes notes qui se répètent à l'infini créent une espèce d'envoutement, puis insensiblement, la tonalité change sans qu'on s'en rende compte immédiatement. A la fin du morceau, on est entré dans un autre monde sans qu'on s'en soit rendu compte, sans avoir vu de porte.
Ce roman qui se passe à Cuba procède de la même méthode : il s'agit de trois nouvelles dont le point de départ est identique ; un couple déjeune dans un restaurant pendant qu'il pleut à verse. Le dialogue bifurque insensiblement et tout à coup, on entre dans une autre histoire.
Les amoureux de Cuba retrouveront l'ambiance de cette île où la musique fait oublier les pesanteurs du régime.
La Proie d'Irène Némirovsky, aux Editions Grasset.
Quand j'aime un auteur, je lis tous les titres qu'il a publiés. C'est le cas pour Irène N. qui malheureusement a eu un destin prometteur vite arrêté par la guerre. Irène N. a été arrêtée (on peut même dire : s'est laissée arrêtée), puis a été "déportée" et tuée à Auschwitz.
La Proie est un livre cynique où l'ambition et le (faux) amour mènent la danse. Les trahisons se succèdent, autant de marches sur l'escalier de l'ambition : trahison amoureuses (elle, puis lui), trahisons de l'amitié, trahison dans les relations d'affaires, trahisons politiques... La Proie nous fait souvent penser à des romans balzaciens
Tout cela est bien pessimiste mais la magie de l'écriture d'Irène N. nous tient en haleine jusqu'au bout.
Douleur exquise de Sophie Calle aux Editions Actes Sud.
Ce livre renouvelle tous les poncifs de l'édition, tant dans sa forme que dans son fonds. Le format oblong caractéristique des ouvrages de Actes Sud est rehaussé par les trois tranches rouges et brillantes. Le texte du dos ferré à gauche et à droite emplit toute la page, sans respiration et agace l'œil par ses reflets mordorés.
Chaque page du livre est un moment d'histoire, une histoire d'amour qui se confond avec une histoire d'attente, de doute, de grande douleur puis de deuil. Une histoire entre deux dates, de J - 92 à J + 99. Ce livre est illustré de photos inattendues. De J à J + 99, les photos sont identiques : vue d'un téléphone rouge (que lêtre aimé et attendu n'a pas fait sonner) dans une chambre d'hôtel à New Delhi.
Le texte décrit le même parcours et les états d'âme de la narratrice. Petit à petit, les mots vont changer sans que le lecteur s'en rende compte. C'est du grand art. Sophie Calle est une grande artiste. Vraiment.
L'affaire Courilof d'Irène Némirovsky chez Grasset (les Cahiers Rouges)
Encore un roman d'Irène... Celui-là se passe dans la Russie d'avant la révolution de 1917. Un révolutionnaire, Léon M. s'introduit, comme médecin, chez le ministre de l'Education Publique du tsar Nicolas II, dans le but de le tuer et de précipiter le mouvement révolutionnaire.
L'action se passe en 1903 ; Léon M. restera plus d'un an aux côtés de Courilof qui est très malade. Il pourra pénétrer son intimité, cotoyer sa femme, ses enfants, ses collègues ministres et s'apercevoir finalement que ce Courilof n'est qu'un homme comme les autres, ni très bon ni très mauvais.
Puis un jour vient l'ordre de passer à l'action.
Le style d'Irène éclate à chaque ligne dans ce roman historique qui donne à respirer la Russie comme si l'on y était. Quelques répétitions stylistiques (dans les descriptions des personnages) donnent l'impression regrettable d'une relecture hâtive.
Dimanche d'Irène Némirovsky aux Editions Stock
Un recueil de 15 nouvelles d'Irène N. Ces nouvelles sont du concentré de roman. On y retrouve son style caractéristique et des intrigues un peu nostalgiques qui tournent brusquement au drame par une déchirure brutale qui révèle une autre face, inattendue, des personnages.
Ces nouvelles sont en quelques sorte des gammes préparatoires aux grands concerts que sont les romans. Dans la préface, Laure Adler indique avec à propos les thèmes récurrents chez Irène N. : la solitude, les relations mère-fille et la judéÎté.
A noter qu'Irène, portée aux nues par Brasillach, fusillé à la Libération pour collaboration, a fait paraître initialement, de 1934 à 1942, ces nouvelles dans deux brulôts violemment antisémites, Gringoire et Candide. Avant d'être déportée et assassinée à Auschwitz en 1942. Quel gâchis...
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