Il n'y a pas de doute, une des armes de Rachida Dati, notre Ministre des Sceaux, c'est son sourire éclatant. Ce sourire la rend séduisante, avenante, agréable à regarder.
Et je ne m'en lasse pas.
Cependant, il y a des circonstances où ce sourire n'est pas de mise, c'est quand elle s'occupe des prisons. Déjà le 12 avril dernier, Libé l'avait montré lors de la visite à la prison de Valence où un jeune détenu s'était pendu quelques jours auparavant et où deux autres s'étaient ratés. La photo (que malheureusement je n'ai pas retrouvée) était si incongrue que Gérard Lefort en avait fait une analyse quelques jours après, et cette analyse m'avait ému.
Cet article m'avait aussi fait réfléchir et poser quelques questions sur l'éthique de photographe.
Et voilà que je vois dans le Monde de cette semaine une photo où Rachida est encore tout sourire. Pourquoi ? Elle vient de signer un contrat (avec la société Bouygues), pour la conception, la construction et l'exploitation de trois prisons.
Décidément, ce sourire devrait parfois s'évanouir dans un contexte de prison, surtout qu'elle est aussi belle quand elle ne sourit pas....
Voir le remarquable article de Gérard Lefort en suite de note.
Gérard Lefort : samedi 12 avril 2008
Raymond Poincaré, président de la République de 1913 à 1920, lors d’une visite à un cimetière de soldats de la Grande Guerre, fut obligé à un rictus par un éclat de soleil dans ses yeux. Un photographe était là pour le fixer et, suite à la parution dans la presse de la photographie représentant Poincaré censément souriant, il fut surnommé : «Poincaré, la guerre, l’homme qui rit dans les cimetières.» Rachida Dati, ministre de la Justice, lors de sa visite à la prison de Valence (Drôme), le lundi 7 avril, arbore elle aussi un sourire éclatant qu’on n’imaginait pas forcément de circonstance puisque son déplacement à cette maison d’arrêt faisait suite au décès récent d’un détenu, Jérémy Martinez (19 ans), et à la tentative de suicide de deux autres.
Ce qu’on voit à l’évidence sur cet instantané, c’est que la garde des Sceaux vient de se prendre en pleine face un éclair de flash qui souligne la blancheur impeccablement éclatante de ses dents, plisser ses yeux noirs, luire son rouge à lèvres et reluire le cuir de sa veste. Le photographe, qui a photographié le photographe photographiant, a profité de cette lumière aveuglante pour cadrer un autre point de vue. Où l’on voit le visage rendu obscur par l’ombre de la visière de l’officier supérieur accompagnant la visite et, barrant tout le premier plan, le bras d’un quidam, armé d’un carton blanc, qui tente, sinon d’empêcher la photographie, tout du moins de la tenir à distance. On pourrait donc raisonnablement interpréter le sourire de Dati comme un sourire de gêne, voire de crainte, tel le lapin pris dans les faisceaux des phares. Mais cette hypothèse d’une sorte d’hypnose n’élude pas une intrigue entêtée : pourquoi Rachida Dati rit, alors que, quiconque ayant, ne serait-ce qu’une seule fois, visité une prison française, sait qu’il n’y a vraiment pas de quoi ?
Hypnose pour hypnose, on peut dès lors supputer que Dati rit parce qu’elle ne peut pas s’en empêcher, que, telle la Castafiore de la justice, et contrairement à Garbo pour qui c’était l’exception, c’est son style de rire de tout, tout le temps, même nerveusement. Même, sauf son respect, bêtement. Le style Colgate Ultra-bright fait automatiquement les dents de Rachida Dati, à l’instar de son patron qui, lui, contrôle mal certains tics de la bouche et remontée intempestive de son épaule.
Ce pourrait être un sourire de toxico, puisqu’on dit bien de ce genre de photographie prise violemment au flash qu’elle consiste à «shooter». On n’imagine pas qu’il y ait des consignes gouvernementales en la matière, un petit guide du comportement face aux photographes. Mais le fait est que, dans le cadre de la fameuse et, pour beaucoup, calamiteuse «peoplisation» des ministres et de leur chef, il est devenu comme un réflexe que toute photographie soit pour eux synonyme de tout sourire.
Qu’est-ce que Rachida Dati aurait gagné à ne pas sourire lors de sa visite de la prison de Valence ? Oh, trois fois rien : un brin de dignité.
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