Nicolas Sarkozy est de retour mais en piteuse forme. Sur le fond, il n’a pas changé et il l’a démontré à maintes reprises comme lors de ce meeting devant l’association Sens commun (club dissident de la Manif pour tous) où il a cru bon concéder devant une salle chauffée « Si ça peut vous faire plaisir, ça coûte pas cher », évoquant l’abrogation de la loi.
Il a gagné mais il a doublement perdu
D’abord, parce qu’il a raté sa campagne, ensuite parce qu’il a manqué son but. Le plébiscite auquel il s’attendait de la part des militants n’a pas eu lieu. Pire, il s’est fait doubler par Le Maire qui sort en grand vainqueur de cette élection. Celui qu’il traitait par le dédain, mais qui ne traite-t-il pas de la sorte s’estimant tellement au-dessus des autres, est devenu l’un des futurs ténors de la droite avec un ticket pour 2017, au nez et à la barbe des autres quadras qui ont refusé de se mouiller dans cette bataille. Lui, il a mouillé la chemise et il a prouvé qu’il n’était pas qu’un énarque à la tête bien faite dont Sarkozy disait « il écrit des livres en allemand que personne ne lit » allusion au fait que Le Maire parle la langue de Goethe et écrit plutôt bien, ce qui est loin d’être le cas de l’ex président dont on a pu constater qu’il continue de s’exprimer à l’emporte-pièce.
Jetlagué, il est largué
Nous partîmes à 85% et par un prompt effort nous crûmes rester sur l’Olympe. Hélas pour lui, l’élection à la présidence de l’UMP version 2014 ne ressemble en rien à celle de 2004. La France a changé, pas lui, le parti est en quenouille, lui s’en bat les c…, il a fait payer (cher) les militants dans un Sarkothon pour le moins douteux et se fait payer à prix d’or pour dire la messe à des patrons du CAC 40 énamourés, sauf que… les militants ne gobent plus aveuglément ses paroles et commencent à fuir sa stratégie de girouette. Il n’a pas vu venir Bruno Lemaire, ou n’a pas voulu, il se croit au-dessus de la mêlée et ne veut pas se mêler des comices agricoles auxquels Lemaire, lui, est allé parler. Résultat, il ne fait même pas 65% des voix quand son challenger frôle les 30%.
Le roi est nu…
Qui aurait pu imaginer en cette rentrée que son altesse Nicolas 1er, l’ex-patron de l’UMP, l’ex-Chef de l’état, serait presque mis en ballotage par son ex-ministre de l’Agriculture. Ses amis, sa cour, prédisaient un score à hauteur de l’espérance qu’il croyait susciter. Ce serait du 80% à minima. Et puis, au fil des semaines, les mêmes qui étaient béats, ont vu dévisser leur idole. Le chambellan Hortefeux a concédé qu’un 70% se serait très bien, avant de se raviser face au triste spectacle d’un Sarkozy à nouveau bateleur de foire : une élection au premier tour, à la majorité, c’était ça l’objectif. Pas plus, surtout pas plus. De peur de faire moins.
… Le nouveau petit Prince de la droite c’est Bruno
Bien sûr, avec ses 64,5% de voix, Sarko II le retour peut prendre le parti officiellement et placer ses hommes. Mais il sent bien, il sait bien désormais que les choses ne seront plus comme avant. Ce n’est plus le bâton de maréchal qu’il a obtenu, c’est celui d’Adjudant-chef qu’on lui a tendu. Et le jeune aspirant Lemaire va lui montrer qu’il a pris du galon avec ses 29,18% de voix.
Le Maire étalon, Sarko cheval sur le retour
D’autant que, à cette victoire en trompe l’œil, Sarko II canasson peut bien ruer dans son box, il n’effraie plus les autres chevaux de course de l’écurie Elyséenne. Et que le faible taux de participation, à peine 58%, prouve que la casaque Sarkozy n’a pas spécialement mobilisé les turfistes militants. C’est un autre enseignement de cette élection : Sarko II pop star croyait qu’il était attendu comme le messie, il n’est qu’un candidat à peine au-dessus du lot. Cruelle est la déception. Plus dure sera la chute au fur et à mesure qu’approchera l’échéance de la primaire d’où il verra que revenir au trot ne fait pas une victoire.
Steeple chase ou chasse à cour ?
C’est que Juppé II le miraculé a bien l’intention de lui briser les tendons et que la bande des quadras ira vers celui qui fédérera plutôt qu’il divisera. C’est que Fillon II le fielleux ne lui fera aucun cadeau et plantera son couteau à la moindre occasion. C’est que Bertrand l’assureur (comme Sarkozy l’appelle) ne manque plus d’assurance et a décidé de lui rentrer dans le lard. C’est que Chirac a déjà dit tout le mal qu’il pense de l’un et tout le bien à penser du « meilleur d’entre nous ». C’est que les militants sont désormais divisés et ne le suivent plus comme un seul homme. C’est que sa bande de bras cassés du précédent quinquennat est ringardisée. C’est que l’illusion ne prend plus et que le vrai visage du Sarko II embobineur ne fait plus recette. Et que les recettes de l’UMP ne sont plus en caisse, merci qui, merci Bygmalion.
La farce de la tragédie*
Alors, Sarko II l’excité a-t-il encore une chance de souder son parti et de le ressouder autour d’idées dont il n’a pas fait montre une seule fois au cours de ces dernières semaines ? Sarko II l’excédé peut-il encore tromper son public et lui faire croire aux miracles ? La réponse dans l’année qui vient avant échéance 2016. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il a perdu la main et qu’à avoir contrarié son destin de conférencier rentier, Carla pourra lui susurrer à l’oreille :
« Je t’avais bien dit, mon Raymond
que t’étais beaucoup mieux avec moi
qu’à parcourir la France par monts
et par veaux, tu leur tends les bras
et ils te snobent les parfaits ingrats.
Je t’avais bien dit, mon Raymond
qu’il fallait pas reprendre la route
qu’on pouvait se la couler douce
toi et moi dans le bain mousse
au lieu de ça tu penses élection
et ça te fait une érection,
tu croyais avoir pris l’autoroute
et ce qui t’attend c’est la déroute.
Je t’avais prévenu, mon Raymond
si tu perds, toi et moi on est quitte
je te quitte pour Benjamin Biolay
qui lui en connaît un rayon
t’avais le paradis t’as choisi la politique
et maintenant t’as que pouic
tu vois, t’as vraiment rien gagné ! »
Henri Jean Anglade
*en référence à Karl Marx au sujet de Napoléon III : « Tous les grands personnages et évènements historiques se répètent toujours deux fois. La première comme tragédie, la seconde comme farce ».
Pas du tout d'accord avec cette analyse. Le score de le Maire, c'est le meilleur moyen de l'empêcher de faire ce qu'il avait promis avant, cad de ne pas s'impliquer après l'élection. Sarko tient son "prochain Fillon"...
Quant aux autres ténors de l'UMP, ils sont "cornerisés": Juppé a refusé le combat, Fillon s'est une nouvelle fois dégonflé, Coppé n'existe plus. Sarko a remarquablement réussi à faire le vide, il est en position de force dans son camp.
Rédigé par : HerveKabla | 01/12/2014 à 09:24