Déconfiture de déconfinement : épisode 19
Aux States, le Trump circus continue de fonctionner pendant que le pays est en alerte. Monsieur Déloyal sort son nez rouge à chaque apparition sur le perron, pérorant devant son pupitre comme un matamore. L’âne lui donnerait bien un coup de pied au cul mais l’éléphant barrit au moindre rappel. Les deux symboles, démocrate et républicain, sont mis à rude épreuve avec ce locataire de la Maison Blanche. Dumbo est dans ses petits souliers et voudrait retrouver son Disneyland. Mais Donald est si peu Duck.
Les clowns sont légion outre-Atlantique, le pasteur texan Kenneth Copland, télé-évangéliste de profession, prétend guérir à distance par la prière ses ouailles. La canaille (Can I believe in God with such a guy ?) s’adresse à ses clients via sa chaîne « Victory Channel » en les priant de toucher l’écran pour recevoir la bénédiction suivie de la guérison, non sans un appel au don. Mon Dieu, épargnez-nous de nous exporter ce type de bonimenteur. Comme disait le regretté Desproges « Dieu est peut-être éternel, mais pas autant que la connerie humaine ».
Pendant que tous ces fervents évangélisés reviennent de la messe avec leur petit coronavirus en poche, « heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux ». Après la bénédiction de Dieu, le diable empoche ses dividendes.
Soutenu par l’aveuglement de tels électeurs, Trump se sentait intouchable jusqu’à présent mais il commence à se demander en son for intérieur (a-t-il un for intérieur ?) si les carottes ne sont pas cuites. Carapaté dans le bureau ovale, mi Fort Knox, mi Fox news, il regarde les 16 écrans de chaînes infos et tout en déglutissant un Big Mac. La main droite tenant un cornichon, la main gauche appuyant sur le pain dont quelques graines de sésame tombent sur sa veste et qu’un peu de cheddar colle à ses doigts, il s’interroge à voix haute devant son Vice, l’invisible Mike Pence : tout cela ne va-t-il pas mettre à plat ses plans pour sa réélection ?
Il avait tout prévu mais pas ça. Bien sûr il avait tous les arguments et contre arguments, vérités et surtout contre-vérités pour anéantir toute critique. Mais il n’avait pas vu arriver cette crise. D’ailleurs, qu’est-ce qu’ils ont tous à s’époumoner autour de ce covid-19 qui n’est jamais qu’une grippe qui a mal tourné.
Alors, quand il a vu que le coronavirus avait tué plus d’Américains que la guerre du Vietnam, lui qui s’est fait exempter de service, il a fait la moue (il sait bien faire la moue). Au dernier décompte, 58 351 personnes ont succombé au Covid-19 et selon le bilan officiel 58 220 militaires entre 1955 et 1975 pour le conflit Vietnamien. Shit ! Dans ce hit parade, le corona l’emporte haut les mains.
Trump a pris son téléphone et demandé à ce qu’on efface des écrans ce type de comparatif qui ne lui plait pas et qui ne correspond à rien dit-il. Oui, mais on est en guerre lui a répondu le général Mark Milley, le chef d’état-major de l’armée américaine. Putain, mais c’est moi qui commande a rétorqué le POTUS, la lippe baveuse. Le Poor Old Trader of US (autre nom du Président) a raccroché furibard.
Etre remercié au bout de 4 ans, maintenant qu’il avait pris goût à l’exercice, il l’avait en travers de la gorge. Fired ! Son cri de guerre dans l’émission qui l’avait jadis mis en orbite, The Apprentice, ne pouvait devenir son épitaphe. Non, vraiment, il ne voulait pas l’entendre et être viré par ce vieux Joe qu’il méprisait (mais qui ne méprisait-il pas ?), c’était au-dessus de ses forces.
US Force, voilà ce qu’il allait faire. Envoyer les troupes dans les états récalcitrants et tirer sur les séditieux. Quand Ivanka entra dans la pièce, Trump leva à peine la tête puis se calmant à sa vue l’écouta. Daddy, tu sais, c’était un beau rêve et on en a bien profité. Tout ça, ça a été super pour le business et ça le sera encore après. Avec Jared on pense que tu pourrais créer une fondation qui nous permettrait de participer à la recherche contre le coronavirus et après, tu en seras le Président. Tu garderas ton titre. Et avec tout l’argent qu’on a, on pourra te construire une réplique de la White House en Floride, avec un golf tout autour en plus, et des tas de flamants roses. On l’appellera Pink House.
Il regarda sa fille avec un mélange de tendresse et de mépris que sa bouche traduisit par une torsion qui formait un huit. Le dessin de cet infini sur ses lèvres apparut à Ivanka comme une réponse positive au dessein qu’elle avait projeté. « Fine », lui dit-elle et elle pivota sur ses talons, le plantant là comme un vieux tournesol qui aurait mal tourné.
Comme un film interrompu en pleine séance, comme une bobine qui aurait flambée, les élections présidentielles étaient en berne, à l’image des partisans de Bernie. Sanders avait du se retirer pour cause de manifestations annulées et de résultats très mitigés.
Sachant qu’il lui serait dorénavant impossible de refaire son retard, Bernie a opté pour un retrait fair-play bien que sa mine renfrognée exprime un certain dépit. Néanmoins, il est prêt à lui donner ses réserves de voix si toutefois celles-ci vont voter le moment venu. C’est un peu comme si on proposait aux fans de Joan Baez d’aller au concert de Madonna pour compenser la perte de voix de leur chanteuse préférée.
Cela dit, ça peut fonctionner. Rock social contre swing states, cela a un sens. Celui d’un pays divisé qui pourrait se retrouver autour du folk-rock et du pop corn. Allez Joe, envoie la sauce, le ketchup et laisse monter la mayonnaise, ça peut prendre surtout si Bruce (Springsteen) entonne again « Born in the U.S.A ».
Henri-Jean Anglade à suivre...
Les commentaires récents