Suite des épisodes de H-J Anglade : épisode 56) Il est passé par ici, il repassera par là...
De qui est-il question ? Du Covid que l’on croyait parti ou de Sarkozy que l’on voit revenir ? A moins que le virus soit mutant et que celui de la politique ait repris de la vigueur après le résultat des Municipales.
En tout cas, à peine prononcé l’éloge sur le perron de Matignon, exit Philippe, Castex excite la curiosité et prend la lumière malgré une physionomie passe-partout de fonctionnaire gris compensée par un accent chantant qui lui donne un certain relief.
Sarkozy sors de ce corps, tu es pris en flagrant délit d’initié qui a soufflé la composition du gouvernement à Macron, à croire que ces deux-là s’entendent comme larrons en foire.
Il fallait oser nous la jouer à l’envers, avec cette composition qui ressort Bachelot pour la placer à la Culture, et met en léger porte-à-faux Dupond-Moretti en Garde des Sceaux. Des deux qui sera le meilleur avocat pour son périmètre ?
Gardienne du temple et de la prévention au temps de son ministère à la Santé en 2010, Roseline Bachelot fut accusée d’en avoir fait trop lors de l’épisode de la grippe A avec une gestion abusive des stocks de vaccins. La voici confrontée à une autre crise culturelle en tentant de réconforter les acteurs du domaine sur les tréteaux d’Avignon avec des Etats généraux pour affronter les conséquences désastreuses de cette hécatombe des festivals. Comme elle joue cash, sans masque, nul doute qu’elle fera tomber dans son escarcelle, un peu de sonnant et trébuchant pour aider la corporation sans trop avoir à tendre la sébile.
Gardien du glaive et de la balance, Eric Dupond-Moretti qui avait porté plainte contre X dans la récente affaire des écoutes liées au PNF (Parquet National Financier) l’a retiré pour éviter la confusion des genres et se placer au-dessus de la mêlée mais pas des lois. Les juges n’apprécient guère cette nomination qu’ils jugent a priori méprisante pour leur syndicat mais le ténor du barreau, qui sait aussi se mettre en scène, joue l’apaisement dès son discours de passation. Acquittator ne plaidera plus à tort et à travers si ce n’est pour le bien-fondé de la Justice ; « Je ne fais la guerre à personne : je veux, avec vous, garder le meilleur et changer le pire ». C’est dire et c’est dit. A quoi il ajoute : « Je ne terrorise personne, sauf les cons ! *». Dans une profession qui avait jadis érigée le mur des cons (dans les locaux du Syndicat de la magistrature), toute autre provocation jetterait de l’huile sur le peu et semblerait débile.
Gardien de but et conseiller occulte du Président, Sarkozy que l’on croyait sur la touche marque plusieurs points pour son camp et place ses pions en vue de... quoi ? Veut-il la réélection de Macron et devenir son Premier ministre ou se replacer en arbitre sur le terrain ? Après tout, cela s’est déjà vu quand Raymond Poincaré est revenu au premier plan après avoir été lui aussi Président de la République sous la IIIème République (1913-20). Président du Conseil (équivalent du Premier ministre) entre 1922 et 1924 sous un Président de gauche, Alexandre Millerand, puis à nouveau dans cette même fonction entre 1926 et 1929 sous un Président de droite, Gaston Doumergue. C’est dire si le modèle peut être inspirant. Reste à savoir si Nicolas a de la graine de Raymond et si Emmanuel qui se veut en même temps de gauche et de droite se sent plus proche de Gastounet ou se voit en Alexandre, ce qui pour Jupiter semblerait mieux s’accorder à son tempérament.**
Quoi qu’il en coûte et hors de contrôle, le coronavirus lui se moque de qui a ceint la couronne et s’accroche à son poste de Mister Pandémie. Après une première période de déconfinement, il nous nargue et observe narquois ceux qui se targuent d’oublier les règles de précaution. Du coup, le professeur Delfraissy, qui préside le Conseil scientifique n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme : « Nous sommes à la merci d’une reprise de l’épidémie en France ». Clusters en Mayenne, remontée du virus dans les eaux usées parisiennes... le risque est toujours là et le relâchement général constaté laisse penser que la deuxième vague pourrait frapper.
Mais les Français sont dans les starting-blocks, pied au plancher, avec en ligne de mire, la plage ou les Alpages, en un mot, les vacances. Alors, les gestes barrières s’arrêtent aux barrières de péages pourvu que la route soit dégagée. Et comme ligne d’horizon, la seule vague qu’ils veulent voir et sentir, celle qui viendra leur lécher les pieds sur le sable fin et qui sera douce à leur premier bain. L’autre, ils ne veulent plus l’entendre, ils sont même sourds aux messages d’alerte. Déconfinés les doigts en éventail il n’y a que ça qui vaille.
Henri-Jean Anglade
(à suivre...)
*Interview paru dans GQ en janvier 2019
** Alexandre Millerand, président de la République de 1920 à 1924 n’a pu finir son mandat à cause de l’opposition du Cartel des gauches à la suite des élections législatives. Fâcheux précédent !
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