Episode 57 : Il faut que jeunesse se passe, faut-il que vieillesse trépasse ?
Alors que notre pays a franchi, ce vendredi 10 juillet, la barre symbolique des
30 000 morts des suites de l’épidémie du Covid-19, un concert à Nice le lendemain, sorte de pied-de-nez au virus, s’est déroulé en pleine rue sans qu’aucune distance ni geste barrière ne soient respectés.
Sur fond de sono tonitruante d’un DJ (Death Jockey ?), une masse compacte se pressait comme si rien n’était jamais arrivé et ne devait jamais arriver. Comme si le déconfinement avait tout effacé, jusqu’à la plus petite précaution. Faut-il que la foule, qui dans l’esprit d’Alain Souchon, était sentimentale soit devenue, sous influence musicale, amnésique et porteuse d’une arme létale dont elle ne fait pas grand cas ?
Cette foule amicale qui selon la chanson a « soif d’idéal, attirée par les étoiles, les voiles... », semble plutôt cannibale si l’on en juge par les risques encourus alors que la deuxième vague pourrait submerger la Promenade des Anglais et faire payer un cher tribut, notamment, aux personnes âgées qui, si elles ne fréquentent pas cette soirée, n’en côtoient pas moins les usagers de la fête au nombre fort peu restreint de 5000 personnes.
Comme si cela était un exemple à suivre, malgré les avertissements répétés du ministère de la Santé, une rave-party est annoncée dans la Nièvre, avec un nombre équivalent de participants tout aussi inconscients de la réalité sanitaire. Pire, d’après la préfecture de ce département rural, la petite commune de Saint-Parize-le-Châtel a vu débarquer des dizaines de camions pour installer le matériel sans aucune autorisation ni même préparation. Dépassés par l’événement, les gendarmes et les pompiers locaux tentent d’assurer un minimum de surveillance mais visiblement la consigne est peace and love, en priant qu’aucun foyer épidémique n’éclate. Pour le maire du village « Ce sont des gamins et même des adultes, qui sont loin de penser sécurisation. Lorsqu’on parle avec eux, ils sont gentils mais insouciants. On pense qu’on est immortel à cet âge-là. »
Bête rave party pour qui croit que dans un champ de luzerne, foin de barrières, sous le masque de l’insouciance, avec un peu d’herbe brûlée, le virus ne se propagera pas, semant un risque potentiel non seulement pour les estivants mais aussi, et surtout, pour ceux qui en toute innocence les auront côtoyés par simple contingence.
De cela et du reste, faut-il oublier que le 14 juillet est habituellement une fête nationale ? Non, bien sûr mais peut-être cette année avec un peu de décence dans l’émulation artistico-dansante, histoire de faire retomber la fièvre du samedi soir avant qu’elle conduise aux urgences.
Si l’exemple vient d’en haut, et que celui-ci a minoré le défilé sur les Champs-Elysées, au point de supprimer les troupes à pied et les blindés, il est cependant placé sous le signe « une Nation engagée, unie et solidaire » avec un hommage élargi aux soignants. Que ceux-ci soient honorés pour leur abnégation et leur courage au plus fort de la crise devrait faire réfléchir les pyromanes qui aujourd’hui, dans la plus totale inconséquence, allument la mèche et sous couvert de festivités placent d’autres citoyens fragiles en péril et replacent les mêmes personnels de santé aux premières loges, mis à contribution pour sauver des vies là où certains n’auront, soit disant, vu que du feu.
Les jeunes immortels ne devraient pas oublier que ceux qui les ont précédés méritent le respect et qu’on peut s’amuser sans pour autant provoquer la foudre. Un peu de poudre et quelques pétards sont des graminées festives qui ne devraient pas inciter à contaminer son prochain. Gardons présent en tête que la crise nous a ébranlés et qu’elle vient de nous montrer que notre civilisation qui se croyait immortelle peut s’éteindre brutalement ou à petit feu. « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin » dit Woody Allen. Alors, gardons le meilleur pour la suite.
Henri-Jean Anglade --->à suivre
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