Je suis dans le métro, en train de lire un article du Monde daté du 28/29 Novembre : L'intégrale de Liszt pour piano rééditée dans la douleur / Les originaux des 24 Disques enregistrés par France Clidat entre 19§! et 1973 étaient introuvables.
Un trompettiste finit ses deux chansons (une par station) et après avoir fait la quête pendant que son bastringue continue de jouer, il sort précipitamment pour aller dans le wagon voisin.
Une dame vient alors s'assoir près de mon strapontin. La 50taine, cheveux frisés en tignasse sophistiquée, larges lunettes aux verres foncés. On dirait une vedette de cinéma américain. Elle se penche vers moi et engage le dialogue :
- Ah, excusez moi, mais je regarde le titre de l'article que vous lisez dans le journal. Vous êtes musicien ?
- Non. Ou plutôt oui, je joue d'un instrument.
- Vous savez, je ne joue pas de musique mais j'ai appris il y a quelque temps que j'avais une oreille absolue et je ne supporte absolument pas les fausses notes, les approximations rythmiques, les timbres peu affirmés... Et aussi l'accompagnement qui est toujours trop fort et mal réglé. C'est pour cela que j'ai changé de wagon quand j'ai vu arriver ce trompettiste...
- Ah oui ?
Elle soulève ses lunettes et me dit, presque en s'excusant :
- J'ai mal aux yeux et c'est pour cela que je porte des lunettes foncées. Il y a rarement de bons musiciens dans le métro...
- ah vous savez, c'est pas facile de jouer dans le bruit et avec les secousses...
- Oui. mais j'ai quand même rencontré un saxophoniste, une accordéoniste et un cymbalumiste (?) qui étaient formidables. Et aussi un musicien qui jouait d'un instrument bizarre avec une corde tendue sur un bambou ; je crois que ça s'appelle balibao...
- Il me semble que je les connais, sauf le balibao-iste.
- Et vous jouiez de quel instrument ?
- De la clarinette *
je sors du métro.
4 heures après, je reprends le métro dans l'autre sens. Dans mon wagon, j'ai droit à un bis : le trompettiste au son improbable est en train de jouer. C'est vrai qu'il n'est pas du niveau de 1er prix de Conservatoire. En passant avec sa sébile il dit : Bon courage et bon voyage !
* il m'est d'ailleurs arrivé une fois de jouer de la clarinette dans le métro, dans les couloirs de la station Saint Lazare...
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