Et hop : l'épisode 40. Le virus de la politique est-il soluble dans le déconfinement ?
La politique est l’art du compromis et la période le démontre chaque jour. Mais à voir les différents représentants politiques réunis autour de la table à Matignon dans le cadre des consultations sur la tenue du deuxième tour des Municipales, on peut aussi se demander si c’est du lard ou du cochon.
La question du second tour s’invite dans cette phase déconfinatoire dans la mesure où le premier a coïncidé avec l’amorce du confinement. Faut-il qu’il ait lieu avant l’été ou à la rentrée ou plutôt qu’il soit remis à plus tard en janvier 2021 et qu’on refasse un tour de piste et deux tours de cirque ?
Ne sont d’ailleurs concernés que 5000 communes où le premier tour n’a pas dégagé de majorité, les 30 000 autres ayant déjà trouvé preneur ou repreneur du fauteuil de maire, principalement dans les petites communes où le vote est très local et l’élu un familier plus qu’un ténor. C’est donc dans les grandes agglomérations que l’enjeu est le plus grand, là où les barons se prennent pour des cadors, là où les joutes dans l’arène municipale relève de combats plus ou moins retors.
L’appel du 28 juin est relayé principalement par les maires qui se trouvent le cul entre deux chaises, dans cet entre deux tours qui les oblige à faire le grand écart. A gauche comme à droite, les maires qui se représentent savent que la prime au sortant jouera en leur faveur d’autant que la crise du coronavirus a pu mettre en avant leur action, au détriment de leurs opposants.
Pour les élus déjà en place, il y a deux options : ceux qui sont en ballotage favorable et qui tireront parti de leur gestion de la crise face à des opposants qui doivent sortir masqués ce qui ne fait pas bonne figure sur les marchés, et ceux qui sont en mauvaise posture mais qui espèrent redresser la tête et la courbe des sondages grâce à l’effet d’aubaine d’un retournement. Dans les deux cas, de l’art de se servir d’un mal pour en faire son bien.
Pour ceux qui guignent la place, il y a trois possibilités : soit, ils sont en pool position, d’où leur désir d’entériner une situation qui leur est favorable ; soit ils sont deux à viser le poste avec un écart assez faible et dans ce jeu de chaises tout mauvais tour est à faire en vue du second pour prendre la première place en affaiblissant l’adversaire, donc à critiquer l’opposition ou à vilipender le gouvernement selon le parti auquel il appartient ; soit le favori sait que plus le temps passe, plus il peut chanceler du fait du marigot politique où son challenger tente de rallier à sa cause des seconds et troisièmes couteaux en vue d’affûter une stratégie de coalition qui n’aurait peut-être pas eu lieu si le délai entre les deux tours ne s’était pas étiré ad libitum.
Comme toujours, le jour d’après ressemble au jour d’avant quand, dans la cour de Matignon, on voit les élèves appliqués, responsables de leurs partis, affirmer pour les uns que le second tour doit avoir lieu fin juin parce qu’il en va de la démocratie locale, pour les autres que le risque sanitaire reste préoccupant et qu’il vaut mieux reporter ces élections pour la bonne marche du pays et surtout la bonne santé de nos concitoyens.
Dans le camp des premiers, les deux ex partis majoritaires de la Vème République, les Républicains et les socialistes qui souhaitent garder leurs bastions et la manne financière qui va avec. Le parti de droite a besoin de cette légitimité pour envisager la suite. Cela reste le joujou préféré de Sarkozy. Le PS n’a plus que cet ancrage pour croire qu’il existe encore. Et Hollande pour se rêver un destin de cheval de retour. C’est le Post-scriptum de son épitaphe.
Quant aux autres, aux extrêmes et aux accessoires, ils savent que les municipales ne sont pas un scrutin décisif pour eux. Marine et Jean-Luc visent uniquement la présidentielle. Elle ne rassemblera pas les foules sur les places des villages, il ne suscitera pas l’insoumission sur les champs de foire. Le Rassemblement national gardera au mieux ses municipalités et gagnera peut-être Perpignan si Louis Alliot l’emporte. La France Insoumise ne soumettra quasiment aucun clocher et ne fera flotter son drapeau rouge sur aucun Hôtel de ville. Le PC conservera dans le formol les quelques banlieues rouges où sa faucille n’est pas encore rouillée. Et les seconds couteaux, de ci delà, récupèreront des miettes qui nourriront leur appétit pour ces postes de conseillers locaux.
Seul élément du renouveau possible, la poussée verte. Les écologistes sont présents dans plus de 120 communes soit six fois plus qu’aux précédentes élections. Avec des scores qui permettent aux candidats EELV de l’emporter dans de grandes villes comme Strasbourg, Rennes, Metz, Besançon, Grenoble (où le poste est déjà acquis) et même Bordeaux (au détriment du successeur de Juppé), Lille et Lyon (ce qui mettrait Martine à la retraite ainsi que Collomb), voire, ô bonne mère, Marseille (dans un jeu d’alliance), ce qui aurait un sacré impact dans l’opinion. Un ancrage local pour un écho national qui pourrait donner des ailes à Yannick Jadot qui se voit investi de la cape de Superman en 2022, jouant les trublions dans un match annoncé Macron-Le Pen où il serait l’outsider et possible vainqueur.
Alors, faut-il voir dans la Covid-19, l’arbitre du second tour ? Les partisans du 28 juin affichent leur sérénité en ajoutant que si les écoles ont ré-ouvertes, pourquoi les préaux ne pourraient-ils pas accueillir leurs harangues. Les opposants, dont Mélenchon, affirment que si le hareng saur il ne sortira rien de frais des urnes.
Le déconfinement progressif, les plages qui s’ouvrent peu à peu au public en même temps que les bars et les restaurants vont sans doute être invités à suivre ce mouvement que, de toute façon, l’été favorise et l’économie exige, toute cette suite de vannes ouvertes plaide en faveur d’un vote pré-estival. Qui aura l’avantage d’en finir avec une situation ambiguë où les maires sortants s’interrogent sur le pouvoir de poursuivre leur mandat et les maires sortis s’arrogent un droit de blocage de l’action à venir de leurs successeurs. En somme, le cloisonnement ou le décloisonnement.
L’idylle entre les Français et leurs édiles sera-t-elle renouvelée pour un nouveau bail ou seront-ils soumis à la vindicte dans laquelle nos concitoyens sondés, et si peu soudés, tiennent la politique en général ? Les victimes de la Covid-19 pèseront-elles indirectement sur le scrutin à venir et leur ombre jettera-elle l’opprobre sur tout ou partie du personnel politique ? Le parti des confinés sera-t-il le premier de France à désigner des coupables sous l’égide d’un tribunal populaire et voter un Macronicide par procuration désiré par une partie de l’électorat ? Ou bien lucide, ce même électorat, à bonne distance sociale, s’opposera à ce régicide qu’un élan frondeur et bien français appelle tous les cinq ans le présidenticide.
La France est ainsi faite qu’elle aime ces querelles de clochers, ces chamailleries désormais véhiculées par réseaux sociaux interposés, cet agora tweeteuse et braillarde. Un climat de tension entretenu de rond-point en balcon, où l’on passe d’un air d’accordéon à un air de Carmagnole, gentil coquelicot, pas si gentil calicot... Comme si chaque feu de la St Jean devait révéler le feu qui couve sous la braise, comme si l’approche du 14 juillet devait réveiller un esprit insurrectionnel. Une ambiance entre fête et défaite. Le feu passera-t-il au rouge ou au vert ?
Henri-Jean Anglade --->à suivre..
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