Alain Finkielkraut révélateur de particules incendiaires, par Henri-Jean Anglade
L’agression verbale, mais néanmoins d’une violence inouïe, dont a été victime Alain Finkielkraut est, n’en déplaise aux esprits chagrins, chafouins ou malins, bien la cause des gilets jaunes, du moins, sa conséquence. Car, sans cette libération de la parole, outrancière, sans cette diarrhée nauséeuse qui pousse au crime, certains ne seraient pas ainsi livrés à la vindicte populaire.
Quand, à quelques heures d’intervalle, on voit un philosophe, au propos qui plus est assez favorable aux revendications originelles des gilets jaunes, se faire agresser par des individus aux orientations visiblement islamistes et une égérie auto-proclamée du mouvement, Ingrid Levavasseur, se faire conspuer par la même foule qui l’a portée au pinacle, on ne peut qu’être glacé par ces images aux relents du fascisme le plus abject.
Les gilets jaunes couveuse d’une mauvaise marmite sociale
Qui se fera lyncher ? Qui sera la prochaine victime des docteurs Jekyll de la négation et Mister Hyde de la mauvaise foi dont Mélenchon est le nom ?
Rentrant chez lui après un déjeuner, et sans aucune ostentation provocatrice, comme certains l’ont laissé supposer, Alain Finkielkraut est pris à parti par quelques individus dont l’un d’entre eux est, sans nul doute, un islamiste qui revendique, en plus, son appropriation de la France au détriment du philosophe et des juifs en général. En quoi est-il gilet jaune ? N’a-t-il pas revêtu les habits pour dévoyer une lutte qu’il a souillée par ses propos haineux ? La réponse est oui. Mais les gilets jaunes en cautionnant cette voix, ou en ne la dénonçant pas de manière unanime, sont responsables de la situation. Car elle est désormais répandue dans leurs rangs et se fait entendre à chaque manifestation.
Dans cette banalisation de la violence, où les réseaux sociaux ont leurs maux à mots dire, les propos de l’avocat Jean-Pierre Mignard, ami de François Hollande, résonnent comme un écho malsain à l’horreur qu’inspire les injures proférées à la face du philosophe, « Barre-toi sale sioniste de merde » ou « Tu vas mourir... Sale race ». Quand il twitte : « On s’émeut sur les plateaux. Bon d’accord mais il n’a pas été, et heureusement frappé. Ce qui aurait tout changé. Il le cherchait. On l’avait oublié. C’est réparé. » Qu’a-t-il en tête ? Et dans le cœur ? D’où (lui) vient cette pensée aussi stupide que dangereuse, et qui peut être lue comme un soutien relatif aux émetteurs de fatwas crachées au visage du philosophe.
Alain Finkielkraut, exhausteur de coups, combustible de choix
Académicien français, cela veut dire qu’il représente une institution et qu’il est français. Ajoutons juif ce qu’on lui reproche par-dessus tout. Figure emblématique de l’intellectuel, animateur de l’émission Répliques sur France Culture, où il fait place au vrai débat, sans parti pris et toujours avec la passion de l’intelligence, Finkielkraut est un enfant choyé de la République parce qu’il a su saisir les chances qui s’offraient à lui au cours de sa vie. Vilipendé par les uns, admiré par les autres, face à « La défaite de la pensée » il a toujours observé « L’imparfait du présent » tout en regrettant « L’identité malheureuse » qui lui est tant reprochée par les gaucho-sectaires à l’identité douteuse.
Finkielkrautisme : tolérance suprême face à l’intolérance extrême
L’Académie qui va livrer sa prochaine édition du dictionnaire devrait ajouter un nouveau terme : Finkielkrautisme. Que l’on pourrait définir ainsi : « Comportement courageux d’un individu face à une foule déchaînée. Qualité d’une personne regardant droit dans les yeux, même avec un certain effarement, celui, ou celle qui l’invective et souhaitant, malgré tout, engager ou continuer le débat pour éviter le combat stérile de la haine. Par extension, capacité d’un homme, ou d’une femme, à garder son calme et ouvrir le dialogue quand d’autres ne pensent qu’à le fermer. Attitude saine et rigueur morale face à la déraison poussée à son comble ».
Le souffle de l’esprit de résistance
Que ceux qui croient aux valeurs de la République, à sa devise, à ce pour quoi nos ancêtres ont combattu jusqu’aux Poilus dont on a commémoré le souvenir en 2018, à la mémoire de ceux qui ont été gazés dans les camps (et non à ceux qui abusent aujourd’hui dans les manifestations de cette expression), aux combattants de l’ombre dans les années sombres du régime de Vichy, à cette majorité de Français qui ne défile pas dans les rues pour tout saccager, restez mobilisés pour que souffle (encore) l’esprit de résistance.
Ne laissons pas la lèpre gangréner notre pays. Hélas pour ceux qui ont manifesté les premiers sans arrière-pensée de cet ordre ou de ce désordre, leur drapeau jaune est abîmé, leur bannière flétrie. La France mérite mieux que ces images du samedi où une minorité sème la terreur. Sur ce terreau, nous devons empêcher que pousse la folle herbe de la haine et repousser ces imposteurs de la liberté. Pour l’égalité et la fraternité, retrouvons le sens des choses et replaçons les choses à leur sens.
Henri-Jean Anglade
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