Blogs de Marques : entre contrats et contraintes juridiques.
Quelles sont les contraintes et règles à respecter quand un blogueur édite un blog pour une marque ? Cette opportunité de blogging arrive de plus en plus souvent, car les marques ont commencé à comprendre qu'elles pouvaient bénéficier des multiples avantages des blogs : référencement accéléré, rapidité de réaction, analyse des commentaires, réponse aux commentaires, présentation des produits, etc...
Dans un article très complet paru hier dans les Échos, Me Gautier Kaufman, (je le connais très bien :-))
avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, nous explique les limites à ne pas dépasser. Il a déjà écrit un livre qui fait autorité sur le droit des noms de domaine sur Internet, paru chez Vuibert .
Blogs de marques : entre contrats et contraintes juridiques [ 25/01/08 ]
Les décisions de jurisprudence pour l'instant isolées ne doivent pas dissimuler l'existence d'un risque juridique.
Les blogs de marques constituent un nouveau média prometteur. Ils émanent d'un internaute blogueur qui, sur la base d'un partenariat avec un annonceur, dédie tout ou partie de son contenu éditorial en ligne à l'exploration de l'univers d'une marque. Son édition implique la désignation d'un directeur de la publication, le recours à une plate-forme de blogging et la définition claire d'une charte de droits et obligations pour les internautes. Le régime juridique de ce média est déterminé par son environnement légal et les multiples contrats qui l'accompagnent.
Le blog constitue un service de communication publique en ligne. Le blogueur est hébergé par une plate-forme, mais il peut également revendiquer la qualité d'hébergeur pour les commentaires qu'il abrite. Si les communications électroniques sont libres (1), elles demeurent soumises à un régime de responsabilité. Les blogs sont ainsi soumis respectivement à la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (l'affaire « monputeaux.com » est là pour le rappeler au bon souvenir des internautes), à la loi pour la confiance dans l'économie numérique du (à suivre en suite de note)
21 juin 2004, à la loi sur la communication audiovisuelle, à la loi
informatique et libertés ainsi qu'aux contraintes habituelles du droit
de la publicité. S'agissant d'un outil de promotion indirect, les
secteurs dont la publicité est réglementée demeurent, comme le rappelle
l'interdiction récente (2) faite à la société Heineken de promouvoir
ses produits par la voie de communications électroniques. Comme il ne
s'agit pas d'un bloc-notes purement personnel, le blog de marque n'est
pas dispensé des obligations déclaratives auprès de la CNIL (3)
(Commission nationale informatique et libertés). Les décisions de
jurisprudence, pour l'instant isolées au regard du phénomène, ne
doivent pas dissimuler l'existence d'un risque juridique. Parce que la
blogosphère est rétive à l'instrumentalisation mercantile de son
espace, le blog se doit d'afficher clairement son identité,
conformément à la LCEN (4). La nature du média implique une liberté qui
diffère de celle d'un site marchand ou institutionnel. Le directeur de
la publication n'est ni le représentant de la marque ni celui des
internautes. En initiant un dialogue autour de ses produits et
services, la marque s'expose à des critiques consuméristes. Le blogueur
directeur joue alors un rôle de médiateur, afin de filtrer d'un côté le
dénigrement et de l'autre la promotion dissimulée. De plus, il est tenu
de satisfaire le cas échéant à l'exercice du droit de réponse (5).
L'annonceur peut s'accorder un droit de regard, mais le directeur
blogueur n'est pas son agent commercial. Le contrat conclu avec
l'annonceur a pour objet d'intégrer ces paramètres. L'indépendance du
blogueur exclu le recours à un contrat classique de prestation de
services d'agence de publicité. Si le contrat lui emprunte certaines
clauses de style, il se doit de concilier l'indépendance créative du
blogueur avec l'intégrité de l'image de marque.
Licences professionnelles
La mise en ligne du bloc-notes nécessite la conclusion de licences professionnelles proposées par les plates-formes de blogging (Overblog, Typepad...). L'exploitation d'un blog de marques nécessite naturellement l'accord des principaux intéressés, à savoir les titulaires des droits de propriété industrielle en cause. Cette précision n'est pas anodine pour les revendeurs, distributeurs, supporters ou amateurs de tels produits ou services, qui ne peuvent légitimement initier un tel projet sans l'accord des titulaires de droits. Par ailleurs, le titre du blog, ou « base line », doit faire l'objet d'une réservation comme nom de domaine et peut constituer une marque dérivée à part entière, ce qui implique des recherches d'antériorité. En outre, le blog permet la mise à disposition ouverte de contenu protégé par la propriété intellectuelle ainsi que le rappelle notamment le dernier rapport du CSPLA (6) (Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique). La charte du blog a vocation à déterminer les usages autorisés. En pratique, les blogueurs sont adeptes du partage notamment par le système des « creative commons » (licences libres de droits), qu'il convient de concilier avec la logique souvent antagoniste du droit d'auteur. En définitive, les techniques contractuelles permettent de dépasser les contraintes juridiques inhérentes à l'exploitation de ces blogs d'un genre particulier.
(1) Article 1 de la loi pourla confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004.(2) Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé du 8 janvier 2008, legalis.net(la société a interjeté appelde l'ordonnance).(3) Délibération n° 2005-285de la CNIL 22 novembre 2005.(4) Article 6 III alinéa 1de la loi pour la confiancedans l'économie numériquedu 21 juin 2004.(5) Article 6 IV de la loi LCEN du 21 juin 2004.(6) Rapport de Mmes les professeurs Valérie-Laure Benabou et Joëlle Farchy au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique sur la mise à disposition ouverte des oeuvres de l'esprit, juin 2007.(*) Avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle.
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