On achète bien les cerveaux, de Marie Bénilde aux Editions Raisons d'Agir.
Voià un petit livre-brulôt de 150 pages, qui est passé un peu inaperçu quand il est paru il y a un an. Je l'ai découvert grâce au programme de marketing affinitaire d'amazon.fr.
Ce petit livre de 150 pages décortique, en paraphrasant et en mixant la désormais célèbre tirade de Patrick Le Lay sur le temps de cerveau disponible et le titre du film de Sydney Pollack (avec Jane Fonda et Michael Sarrazin) "on achève bien les chevaux", la situation des médias et de la publicité en France en 2007.
2007, c'était hier, mais la situation ne s'est guère améliorée, bien au contraire avec le projet de suppression de la pub sur les chaines publiques...
Le livre montre clairement comment la pub façonne l'esprit des consommateurs par rapport à un style de vie et des valeurs consommatoires, et comment les intérêts croisés des médias, de la pub, et des annonceurs (qui sont de plus souvent partie prenante ou actionnaires dans les médias) crée un sérieux mélange des genres dans lequel la fameuse indépendance de la rédaction et de la publicité est au pire foulée aux pieds, au mieux victime de l'auto-censure. Il suffit d'un article défavorable pour qu'un gros annonceur coupe sa manne publicitaire vis-à-vis du magazine fautif.
Le livre analyse bien les récupérations de toutes sortes par les communicants et les médias des thèmes comme les anti-pubeurs, l'obésité, le développement durable, la pub destinée aux enfants, etc... Au passage, le BVP reçoit sa part de critiques par rapport aux réclamations des consommateurs qui pensent que le BVP est un organisme gouvernemental, alors qu'il n'est qu'une émanation d'auto-contrôle des agences de pub.
Bref, un livre direct et sans compromis, qui devrait être lu par tous ceux qui travaillent dans la communication ou les médias, et qui nous incite à rester lucide sur ce métier.
En suite de note, un long extrait paru sur le site homme-moderne
IMPACT ET MÉMOIRE
Le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV, dont la présidente n’est autre que Claude Cohen, par ailleurs présidente de TF1 Publicité), s’intéresse depuis peu à ce qu’il nomme les « mécanismes mémoriels non conscients ». À même d’influencer les choix, les préférences et les prises de décision du consommateur, cette mémoire « implicite » des spots de publicité serait de nature à prouver la supériorité du média audiovisuel auprès des annonceurs. C’est le pari de l’institut Impact Mémoire, qui, en association avec le SNPTV, s’ingénie à tirer parti des enseignements fournis par les « techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle ». Fort d’études scientifiques réalisées sur « les activations cérébrales générées par les différents types de perception », il a par exemple convoqué 120 personnes sous le prétexte de tester leur vivacité visuelle. Pendant que les cobayes s’employaient à cocher des petits carrés verts défilant sur leur écran d’ordinateur, des publicités étaient diffusées de façon ininterrompue sur un poste de télévision placé en évidence. La même expérience était menée parallèlement, le téléviseur étant remplacé par des spots radio ou par des affiches. Bien évidemment, c’est le média qui associe le son et l’image qui obtint le meilleur score de mémorisation inconsciente des messages publicitaires. Un test qu’aurait pu réaliser La Palice et qui prêterait plutôt à sourire s’il n’était assorti d’un discours pseudoscientifique lourd de conséquences.
Au
cours d’une conférence donnée à l’occasion d’une « Semaine de la
publicité », en novembre 2003, Bruno Poyet, cofondateur d’Impact
Mémoire, qui a pour client SFR, Nestlé, la Société générale, Lacoste,
Seb ou Le Monde, en a résumé le propos : « On a montré que pour
constituer des souvenirs durables, il était important d’accrocher les
nouvelles informations à des informations déjà existantes. Plus
l’information est riche, plus elle s’accrochera à des réseaux déjà
présents dans le cerveau et plus la trace mnésique sera importante.
L’attention est aussi nécessaire à une bonne rétention mnésique. Or une
forte connotation émotionnelle accentue l’attention. Une importante
charge émotionnelle génère la sécrétion de certaines substances par
l’amygdale, lesquelles favorisent la mémorisation. Si un message
publicitaire est suffisamment riche du point de vue émotionnel et
attractif du point de vue attentionnel, il a de bonnes chances d’être
retenu (5). »
Générer de l’attention, même non intentionnelle, par la fabrication
d’émotions, tel est le terrain sur lequel les chaînes, à l’écoute de
leurs régies publicitaires, vont s’engouffrer.
C’est donc ce « contexte émotionnel » propice à la publicité que TF1 cherche à élaborer à travers ses programmes. [...]
Comment
la chaîne du groupe Bouygues parvient-elle à creuser l’écart dans le
souvenir que le téléspectateur conserve de ses écrans publicitaires ?
Allez hop !
Dans la hotte, je te fais confiance à 100 % :)
Rédigé par : greg | 28/07/2008 à 10:30
L'ayant lu, je ne peux que le conseiller ;)
Le ton direct des analyses est intéressant et fait vraiment réfléchir sur la manière dont les médias sont menés par la publicité et comment n'importe quel fait peut être récupéré de façon publicitaire (notamment la récupération du mouvement anti-pub pour promouvoir la pub, paradoxal? Et bien non...)
Rédigé par : Florian | 28/07/2008 à 13:54
Un bon petit livre à glisser dans la valise.
Rédigé par : sophie januel | 28/07/2008 à 19:14
Pour aller plus loin dans le tire du bouquin et dans le fond du discours : Lire "L'art de réduire les têtes" de Dany-Robert Dufour ou sont dernier livre : "le Divin marché".
Similitudes dans le titre : "on achete bien les cervaux" vs "l'art de réduire les tête". Sur le fond, le deuxième sous l'angle plus philosophique...
Il dit que le transcendantalisme kantien est mort, tué par le libéralisme effréné, et que la théorie névrotique du non paternel de Freud a également vécue, remplacée par un marché ultra-libidinal, incarné par la mère archaïque.
Voir également le prolongement économique de cela dans mon article sur l'économie de la contribution sur www.leblogdecarredeciel.com.
Rédigé par : martial | 30/07/2008 à 10:21