Danse avec les renards, un livre de Marie-Claude Sicard paru aux Ed. du Palio. Il y a quelques mois, j'avais été séduit par le "prière d'insérer" très alléchant de ce livre : Pourquoi jetons-nous la pierre aux marchands chez qui, pourtant, nous faisons la queue, quoi qu'ils aient en boutique : des voitures, de la politique, des jeux, du sport, des opinions ? Sans notre tendance à la servitude volontaire, ils n'auraient jamais pris le pouvoir. Alors, pourquoi tant de haine ?
J'en ai entamé la lecture avec un appétit féroce : enfin, quelqu'un avait compris les mécanismes fondateurs du marketing et allait nous l'expliquer de manière amusante, en prenant l'exemple allégorique du major John Dunbar de l'armée Nordiste, immortalisé par Kevin Costner dans le fameux film Danse avec les Loups. On est loin du fameux livre fondateur de Kotler, aujourd'hui un peu décati...
Hélas, les 20 premières pages m'ont découragé. Obstiné, j'ai mis ce livre dans ma valise de vacances ... et je viens de le finir avec le sentiment d'avoir lu un EXCELLENT livre et surtout d'avoir tout compris de ce qui me pose question depuis tant d'années.
Donc, amis marketers, lisez ce livre en vous accrochant au début, le reste des 250 pages vous récompensera de vos efforts.
De quoi s'agit-il ? De montrer comment le pouvoir des "marchands" s'est progressivement installé, aux côtés du pouvoir
des guerriers (le Roi), des prêtres (le Pape) et des paysans, en utilisant toutes les techniques, les rituels, les manières de convaincre et de manipuler, testées depuis deux millénaires. l'astuce finale des marchands étant de marteler à tous leurs clients qu'ils sont différents des autres et qu'ils ont donc besoin de produits adaptés, alors que le réflexe grégaire des hommes fait qu'ils ont immédiatement envie du produit que leur voisin vient d'acheter (avec si possible un petit accessoire en plus ou au minimum une couleur légèrement différente).
Au fil des chapitres, M.C. Sicard passe en revue - avec une culture classique qui laisse pantois, mais somme toute normale pour cette normalienne agrégée de Lettres, et prof. au CELSA) toutes les techniques du discours politique ou marketing (c'est devenu la même chose) qui toutes, se tiennent, s'enchainent et entrent comme par enchantement dans ses hypothèses et son raisonnement : la marque (le branding) avec son identité, son territoire, son ADN (!)et ses valeurs, le brand building, le brand equity, le guerilla marketing, le marketing viral, le "story-telling", les relations publiques,
Quelques citations :
- Chaque fois que les gens sont d'accord avec moi, j'ai toujours l'impression que je dois avoir tort (Oscar Wilde)
- Que le marketing ne se connaisse pas lui-même, c'est une évidence qui saute aux yeux quand on lit ses manuels ou qu'on suit son enseignement. C'est comme s'il était sorti tout armé de la cuisse de l'Economie, en perdant au passage son livret de famille
- Quand je veux savoir jusqu'à quel point quelqu'un est circonspect ou stupide, bon ou méchant, ou quelles sont ses pensées, je compose mon visage d'après le sien, aussi exactement que possible, et j'attends alors pour savoir quels sentiments naîtront dans mon esprit ou dans mon cœur, comme pour correspondre avec ma physionomie.
- l'économie est elle-même devenue une religion, puisqu'elle répond aux 4 conditions qui la définissent : une transcendance, des rituels, des mlois et des médiateurs du sacré.
- Les gens veulent savoir. Livrés à eux-mêmes, ils se retrouvent complètement démunis. Alors vient le moment où ils écoutent le premier qui prend la parole, à condition qu'il ne la prenne pas n'importe comment.
- Le secret du meilleur vendeur de voiture au monde ? Il tient en un courte phrase : dites aux gens ce qu'ils veulent entendre
- Quel est le titre du livre qui prétend (c'est un mensonge) être le plus vendu au monde ? Vous pouvez être ce que vous voulez être
- Où en sommes-nous aujourd'hui ? Toujours au même point. Triomphe des émotions sur la raison, dilatation du Moi, éloge de la Nature, goût du nouveau et de l'eclectisme, des coups de théâtre, des drames, des histoires d'amour, réhabilitation de ureligieux, suprématie de la musique et des images, tendance à la délectation morose, aversion pour tout exercice de réflexion pure. mot d'ordre : entretenir en soi l'esprit drnfance, la spontanéité, l'imagination, trop vite étouffés par les contraintes de l'âge adulte.
- il est beaucoup plus facile de donner des conseils que de savoir lesquels suivre
-100 000 personnes ne peuvent pas se tromper ! Bien entendu, c'est une absurdité...
merci :)
Rédigé par : greg | 12/08/2008 à 16:37
Je serais fortement preneur d'un billet sur le pourquoi le kotler est un peu decati...
j'ai senti pas mal de retenu dans la phrase non ?
pour me proche de marketing d'il y'a deux ans (pas bien haut dans mon estime), le kotler était la sacro sainte bible du marketing...
c'est possible ?
Rédigé par : Luc | 12/08/2008 à 16:47
--> Luc : je vais me remettre au Kotler (j'en ai trouvé un dans... une poubelle, Place du Trocadero, en face de mon agence !!). et en ferai une analyse sérieuse.
henri
Rédigé par : henri kaufman | 12/08/2008 à 17:44
merKi pour ce conseil de lecture qui semble annoncer un regal!!
Rédigé par : stella de la rhune | 12/08/2008 à 18:03
Merci pour cette critique argumentée. Je l'inscris illico dans ma liste "à lire pendant les vacances" !
Rédigé par : beetle [calyo] | 13/08/2008 à 10:53