Vade rétro viseur ?
S’il ne faut pas ruminer le passé, faut-il pour autant ne jamais regarder dans le rétroviseur ? Bien au contraire. Le rétroviseur a un rôle de sécurité, de veille, et nous permet de nous assurer que tout roule bien, qu’il n’y a pas de menace arrière, de mise en danger pour soi ou pour les autres. Bien sûr, cet instrument de vision ne doit pas être l’unique façon d’observer le monde. Les regrets empêcheraient-ils d’aller de l’avant ? Oui et non. Oui si l’on s’en tient au constat d’échec sous-tendu par la notion de regret mais non si l’on considère les regrets positivement. Comme une nostalgie d’un moment où l’on a cru réaliser quelque chose, où on l’a même réalisé. Les regrets forgent ainsi le sentiment de vie qui passe, et pas seulement de vie qui trépasse.
Exemple à ne pas suivre
L’exemple de Tiger Woods qui ne fait pas de » trou en un » à chaque fois est amusant à plus d’un titre, lui qui a dû étaler ses regrets à la suite de ses frasques sexuelles où visiblement il visait le trou de manière compulsive ! Preuve si besoin était qu’on peut être dans l’action et dans l’amorce du regret avant d’en arriver au remord. De ce côté-là, notre champion de golf s’en mord les doigts d’avoir trop voulu remplir son caddy. Moralité : l’amorce des regrets devrait précéder l’action coupable.
Courage, fuyons…
Comme toute règle, faite pour être transgressée, celle qui consiste à énoncer des vérités applicables aux uns et aux autres sans tenir compte de leur formation, de leur culture, de leur personnalité, de leur environnement, est sujette à caution. Et on sait qu’aux Etats-Unis, grand pourvoyeur de leçons de morale, la caution est le prix fixé pour être remis en liberté avant d’être jugé. Innocent d’abord, coupable éventuellement par la suite. On en a vu les dérives avec le procès OJ Simpson. Où sont les regrets de l’ex-star du football américain et assassin présumé de son épouse, acquitté au grand étonnement d’une partie de l’opinion ?
En résumé, si les regrets peuvent peser comme une chape de plomb, ils peuvent se révéler aussi un ciment entre les personnes, tout dépend la façon dont on les appréhende. Car il y a une grande différence entre regrets et échecs, confusion trop souvent hâtive pour les enterrer.
Finissons (provisoirement) par ces 4 "contre-conseils" :
1. La seule façon d’avancer c’est d’assumer ses regrets comme une part constituante et constructive de soi.
2. Les regrets se divisent en 3 catégories : les regrets factuels, les regrets émotionnels, les regrets éternels. Les deux premiers peuvent aider à franchir des étapes, les derniers évidemment sont plus douloureux (voire définitifs).
3. On peut et on doit faire son mea culpa si nécessaire pour rebondir.
4. Rangez les regrets dans une boîte et allez à la pêche de temps à autre, vous y verrez flotter des regrets sans conséquence, des regrets oubliés, des regrets qui n’en valaient pas la peine, des peines qui remontent à la surface avec le regret et des regrets qui vous feront sourire.C’est tout ça, à petite dose, qui fait la vie. C’est comme une maison, à la cave les souvenirs avec leurs millésimes et au grenier ses malles et ses vieux cartons de photos jaunies. Pourquoi se faire la malle et laisser le cadavre dans le placard quand on peut se dire que les regrets forment à leur tour une cohorte aimante et protectrice ?
Henri-Jean Anglade
P.S. : Pour les artistes, les vrais, la perfection est une quête et ce 5% (voir le post d'Henri) peut être considéré comme un but qui vaut les regrets de n’y être jamais parvenu.
Commentaires